Moi, Gassen ; veuf et père de trois enfants

Nous entendons souvent parler des mères qui s’occupent seules de leurs enfants. Nous apprécions et louons leur courage et persévérance. Mais qu’en est-il de ces pères qui, du jour au lendemain, se retrouvent seuls avec leurs enfants ? Ils n’ont pas de pension et ne peuvent que compter sur leur courage et la solidarité des autres.

 

L’histoire de Gassen

 

« On prédisait que 2012 allait être la fin du monde, cela a vraiment été le cas pour moi. Ma mère est morte et cinq mois après, ma femme est décédée. Du jour au lendemain, je me suis retrouvé totalement désemparé. »

 

Pourtant, avant 2012, Gassen était un père de famille comme les autres. Sa femme et lui envisageaient déjà l’avenir de leurs trois fils. Même lorsque son épouse est admise à l’hôpital pour une tumeur au foie, Gassen reste persuadé qu’elle s’en sortira. D’ailleurs, cette dernière tient le coup jusqu’à la dernière minute. Jusqu’à la dernière minute, ils y croient tous :

 

« Un mardi elle a subi une opération et tout s’est bien passé. Puis le dimanche, elle est morte, juste comme ça. À 10 heures elle allait bien, elle parlait. À midi elle est morte. Je pense qu’il y a eu négligence médicale mais à l’époque j’étais trop bouleversé pour comprendre »

 

Une personne qui s’en va. Un monde qui s’écroule en une fraction de secondes. Elle laisse derrière elle des jumeaux de 10 ans et un fils de 5 ans. Trois enfants qui, désormais, apprendront à vivre sans maman.

 

« Mes enfants étaient bouleversés mais ils ne m’ont pas montré leur souffrance. Ils n’ont même pas pleuré devant moi. Ils ne voulaient pas me faire de la peine »

 

Mais ils sont là, obéissants et tranquilles. Une manière de dire à papa qu’on l’aime et qu’ensemble, on s’en sortira.

 

Se sentir tout à coup seul et fragile et responsable de trois enfants qui sont encore plus seuls, encore plus fragiles. Apprendre, réapprendre à vivre. Petit à petit, on se reconstruit, on s’habitue à une nouvelle routine. Maintenant, les journées de Gassen commencent plus tôt et se terminent plus tard :

 

« À 5 heures, j’étais déjà levé. Je préparais les céréales, les bains… À 6h30, j’enfourchais ma bicyclette pour aller à la municipalité où je travaillais. Puis je revenais pour aider le petit à prendre son bain et s’habiller. Je l’accompagnais jusqu’à l’arrêt d’autobus et ensemble, on attendait l’arrivée du bus »

 

Gassen retourne travailler. Maintenant, plus que jamais, il se donne corps et âme au travail ; parce qu’il a trois enfants à soigner. Après le travail, pas de répit. Il prépare le thé, il fait le ménage et commence à préparer le dîner.

 

« J’avais mis un petit tableau dans la cuisine. En même temps que je cuisinais, j’aidais mes enfants à étudier et à faire leurs devoirs. Ce n’était pas parce que leur mère était décédée qu’il fallait négliger leur avenir »

 

Après le dîner, il range, il repasse les vêtements et prépare tout ce qu’il faut pour le lendemain. Des fois, la fatigue prend le dessus ; les muscles cèdent mais le courage et la foi ne cèdent pas :

 

« Je ne sais pas comment j’ai fait, je ne sais pas d’où venait le courage… Je priais tout le temps ; je savais que seul Dieu pouvait me soutenir et il l’a vraiment fait. Ma croyance en Dieu m’a aidé. Vous savez, depuis le décès de mon épouse, il y avait une bouteille de bière dans le réfrigérateur. Je n’y ai pas touché. Il est tellement facile de craquer, de chercher du réconfort dans l’alcool ou ailleurs. Mais j’avais des responsabilités… J’ai demandé à Dieu de me garder sur la bonne voie »

 

Des nuits, il ne dort pas. Lorsque ses enfants sont malades, il veille sur eux. Il apprend à connaitre leurs moindres gestes, il apprend à reconnaitre leurs pas :

 

« Même si je dormais, mon fils devait juste poser ses pieds au sol et je savais qu’il était levé. J’étais devenu tellement vigilant et attentionné. »

 

Pour eux, il fait de son mieux. Mais parfois, cela ne suffit pas. Parfois, il se sent impuissant et las :

 

« Financièrement, c’était dur. Avant ma femme travaillait et on gérait les dépenses à deux. Maintenant il n’y avait que moi. Je me sentais débordé. Je suis allé au bureau de sécurité sociale et ils n’ont rien pu faire. Un veuf ne reçoit aucune pension. Je ne savais plus vers qui me tourner »

 

Mais il semblerait que parfois notre détermination est si forte et notre foi si grande que l’univers n’a d’autre choix que nous aider :

 

« Avant de mourir, mon épouse avait repris contact avec une de ses anciennes amies établie à l’étranger. Après son décès, le mari de l’amie en question venait nous voir. Il apportait de l’huile, des céréales, du lait… Il s’appelle monsieur Abdoolah. Il nous est venu en aide sans rien attendre en retour. Je lui suis tellement reconnaissant ! »

 

En 2013, les jumeaux prennent part aux examens de la C.P.E. Ils ont de bons résultats et sont admis au collège Impérial. Papa est fier. La fatigue, les nuits sans sommeil, les sacrifices ont fini par payer :

 

« Parfois, certaines personnes me regardaient avec pitié. Ils se demandaient comment je faisais. Mais même s’ils n’avaient plus de mère, mes enfants n’ont manqué de rien. J’en suis fier ! »

 

Quelques années après, Gassen s’est remarié à une veuve qu’il a rencontrée dans une cérémonie religieuse. La famille et les vies se sont reconstruites. Il s’est remarié mais pas avant d’avoir vaillamment assumé ses responsabilités. Parce qu’il y a aussi des hommes comme ça ; des hommes qui, du jour au lendemain, se retrouvent dans une situation inattendue et difficile mais qui ne se désistent pas. Par amour et par devoir.

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